La Colmarienne : Un projet à 7,5 millions d’euros qui reproduit les erreurs du passé
Le projet Vélostras Sud, aussi appelé “la Colmarienne”, cristallise tous les défauts des vélorues strasbourgeoises : budget qui explose, problèmes techniques non résolus et expérience utilisateur dégradée. Analyse d’un projet qui s’annonce comme un nouveau fiasco.
Le budget explose, les problèmes persistent
Budget initial (septembre 2024) : 3,6 millions d’euros
Budget révisé (janvier 2025) : 7,5 millions d’euros TTC
Augmentation : +108% en 4 mois
Le projet Vélostras Sud voit son budget passer de 3,6 millions d’euros annoncés en septembre 2024 à 7,5 millions d’euros TTC en janvier 2025 – soit un quasi-doublement des coûts en seulement quatre mois. Cette dérive budgétaire spectaculaire soulève des questions sur la maîtrise financière d’un projet qui prévoit d’aménager des vélorues sur plusieurs tronçons urbains étroits. Les axes concernés incluent la liaison entre Neudorf, Meinau, gare Krimmeri et avenue du Rhin, via un réseau cyclable qui empruntera l’avenue de Colmar, la route de l’Hôpital et le secteur du Lazaret. Le calendrier reste ambitieux avec une réalisation prévue dès 2024-2025, malgré l’explosion des coûts.Budget révisé (janvier 2025) : 7,5 millions d’euros TTC
Augmentation : +108% en 4 mois
Les leçons ignorées de Schiltigheim : un précédent alarmant
L’expérience de la vélorue de Schiltigheim, en fonctionnement depuis 2019, aurait dû servir d’avertissement. Cette vélorue regroupant la rue Principale et la rue des Pompiers traverse le centre-ville de la commune, mais son bilan est particulièrement négatif. Après trois ans d’usage, la vélorue du centre-ville de Schiltigheim est jugée “anxiogène” par de nombreux cyclistes. L’association Strasbourg à Vélo y a récolté une “foule de témoignages” signalant des comportements agressifs : coups de klaxon intempestifs, accélérations brusques derrière les vélos, et dépassements dangereux en empiétant sur la voie cyclable en contresens.
Un cycliste interrogé déplore que “si les voitures sont encombrées, par agacement elles prennent la piste cyclable”, illustrant comment la théorie se heurte à la réalité du terrain. Hypothèse d’analyse : Sur les axes étroits prévus pour Vélostras Sud (avenue de Colmar, route de l’Hôpital), ces dysfonctionnements risquent de s’amplifier en raison d’un trafic automobile plus dense que dans le centre-ville de Schiltigheim.
Des contraintes techniques préoccupantes
Le dossier de consultation reconnaît lui-même que “certains tronçons urbains étroits” ne permettent pas techniquement d’aménager une piste hors-voie. Cette limitation fondamentale condamne le projet à reproduire les défauts des vélorues existantes.Les problèmes identifiés
Circulation au ralenti : Les automobilistes devront suivre les cyclistes à 15-20 km/h sur des axes jusqu’alors fluides, créant des embouteillages et de la frustration.
Croisements délicats : Sur voirie étroite, deux véhicules se faisant face créent des situations de blocage, comme observé rue Mélanie où un habitant affirme “mettre cinq fois plus de temps pour sortir de chez [lui] quand il y a du monde”.
Stress accru : Contrairement aux promesses, les cyclistes se retrouvent constamment suivis par des véhicules, situation plus anxiogène qu’apaisante.
Un concept inadapté aux réalités urbaines
L’analyse des vélorues existantes à Strasbourg révèle que leur succès dépend entièrement de conditions très spécifiques : trafic motorisé extremely faible, respect rigoureux des règles et acceptation par les riverains. Ces conditions ne sont manifestement pas réunies sur les axes du projet Vélostras Sud.Les témoignages accablants
Les premières expériences strasbourgeoises, bien que limitées à quelques tronçons pilotes, montrent déjà les limites du concept. À Strasbourg même, une vidéo virale de mai 2025 montre un embouteillage quasi à l’arrêt sur 300 mètres rue Mélanie, où “cyclistes et automobilistes ne savent plus où aller” – une situation dénoncée par un élu d’opposition comme “un absurde blocage coûteux en temps”. Hypothèse personnelle : Les concepteurs du projet semblent sous-estimer l’incompatibilité fondamentale entre vélorue et voirie urbaine dense. Contrairement aux rues résidentielles calmes où le concept peut fonctionner, les axes de Vélostras Sud concentrent déjà un trafic automobile significatif qui ne disparaîtra pas par décret.
Un coût démesuré pour un bénéfice incertain
Avec 7,5 millions d’euros, l’Eurométropole pourrait financer des alternatives plus efficaces :- 15 km de pistes cyclables séparées en site propre
- La rénovation complète de plusieurs axes existants
- Des aménagements de sécurité sur l’ensemble du réseau cyclable
- Un réseau de transport en commun renforcé
Les défauts structurels des vélorues
L’expérience strasbourgeoise depuis 2017 révèle des problèmes récurrents qui ne trouvent pas de solution satisfaisante :Pour les cyclistes
- Efficacité dépendante du trafic : Dès que la circulation automobile augmente, le stress remplace l’apaisement promis
- Dépendance au civisme : Sans contrôle ni sanctions, les comportements agressifs se multiplient
- Signalisation méconnue : De nombreux conducteurs ignorent encore les règles spécifiques
- Absence de protection physique : Contrairement aux pistes séparées, aucune barrière ne protège réellement les cyclistes
Pour les automobilistes
- Ralentissements constants : Obligation de suivre les cyclistes à vitesse réduite
- Manœuvres délicates : Croisements difficiles sur voirie rétrécie
- Frustration croissante : Sentiment de “politique anti-voiture” générant des comportements à risque
Questions sans réponses
Avant d’engager 7,5 millions d’euros supplémentaires, l’Eurométropole devrait répondre à plusieurs interrogations cruciales :- Comment éviter la reproduction des dysfonctionnements documentés à Schiltigheim ?
- Pourquoi le budget a-t-il doublé en quatre mois sans explication publique ?
- Existe-t-il des alternatives moins coûteuses et plus efficaces ?
- Quel sera l’impact réel sur la fluidité du trafic automobile de desserte ?
- Comment gérer les conflits d’usage prévisibles sur des axes plus passants ?
Un pari risqué aux frais des contribuables
Le projet Vélostras Sud cristallise tous les défauts d’une politique cyclable mal pensée : coûts qui explosent, problèmes techniques non résolus, expérience utilisateur dégradée et conflits d’usage prévisibles. Plutôt que de tirer les leçons des échecs de Schiltigheim, l’Eurométropole s’apprête à reproduire les mêmes erreurs à une échelle plus large et plus coûteuse. Face à ces enjeux, une pause s’impose pour repenser fondamentalement l’approche des aménagements cyclables urbains, privilégiant des solutions éprouvées plutôt que des expérimentations hasardeuses aux frais des contribuables. Sources : Ville et Eurométropole de Strasbourg (projets cyclables), DNA & France Bleu (retours d’expérience locaux), Rue89 Strasbourg, Pokaa (septembre 2024), documents de consultation Vélostras Sud, témoignages d’usagers documentés par l’association Strasbourg à Vélo.